DALLIÈRE Louis - Pasteur réformé. Né le 4 juillet 1897 à Chicago (Etats-Unis) d’un père français et d’une mère anglaise. Mort le 10 janvier 1976 à Charmes sur Rhône (Ardèche).
Catéchumène à Saint-Germain-en-Laye du pasteur E. Rayroux, attiré par les mathématiques, il ressentit sa vocation pastorale au début de la guerre 1914-1918. Il fit des études de philosophie à la Sorbonne, en obtenant sa licence, et de théologie à la Faculté protestante de Paris » (sa lettre de juin 1932) ; consacré en 1925. Pasteur à Charmes à partir de 1925. Influence exercée depuis Charmes (nombreux témoignages, et de gens divers), « il était farouchement réaliste, puis une année (1922-1923) à Harvard, aux Etats-Unis, où il suivit les cours du philosophe américain W.E. Hocking. (Mais il n’est pas prouvé que L. D. ait préparé une thèse sur lui). Il avait épousé, en 1921, Marie Boegner, fille d’Alfre Boegner, Directeur de la Société des Missions Evangéliques de Paris.
En janvier 1926, il est consacré pasteur, et nommé à la même date pasteur de l’Eglise Réformée Evangélique de Charmes. Très vite, son autorité, son éloquence, sa compétence théologique, son sérieux pastoral, exercent une certaine influence, relayée dès 1923 par une trentaine d’article dans Foi & Vie, Le Semeur, Les Etudes Théologiques et Religieuses, où il s’interroge sur la doctrine et l’ecclésiologie protestantes, sur la réalité de l’Eglise. En 1926, dans Foi & Vie, il insiste sur la fonction spirituelle du culte. Il présente en 1929 la pensée de Hocking et procède en 1931 à un examen critique de l’idéalisme.
Attentif aux mouvements de Sanctification et de Réveil anglo-saxons, L.D. témoigne qu’il a demandé et reçu, étant seul dans le temple de Charmes, le « baptême du Saint-Esprit » le 28 mai 1930, et la glossolalie le 13 janvier 1932.
En janvier 1932, L.D. rencontre l’Evangéliste pentecôtiste Douglas Scott, appelé à Privas par le pasteur Samuel Delattre, de l’Eglise libre, pour une mission de Réveil. Attentif au message revivaliste de Scott, sans se rallier à son ecclésiologie, L.D. le présente aux journées pastorales de Nîmes, le 25 avril 1932, et y fait l’historique du Mouvement de Pentecôte (qu’on peut lire dans le Semeur du 1er novembre 1932).
Malgré de fortes réticences suscitées par Scott et son message, le Synode national de Grenoble de l’Eglise Réformée évangélique nomme, en mai 1932, L.D. chargé de cours en théologie pratique à la Faculté de théologie de Montpellier, en remplacement du doyen Léon Maury décédé. L.D. écrit aux autorités ecclésiastiques et à celles de la Faculté pour exposer ouvertement sa position par rapport au Réveil pentecôtiste (voir Le Christianisme au XXème siècle, 23 et 30 juin 1932). Pour prévenir d’éventuelles difficultés, il propose qu’après deux années, la Faculté décide s’il faut ou non prolonger son enseignement. Devant les oppositions, L.D. ne maintient pas sa candidature à la chaire de théologie pratique, et se contente d’assurer l’intérim en 1932-1933. Il donne deux cours, l’un sur la Doctrine de l’Eglise, l’autre sur la Paroisse.
Il reste pasteur de Charmes et suit de près le mouvement pentecôtiste. Il va au Havre, à la première Convention pentecôtiste, et y rencontre Thomas Roberts, fils du Réveil du Pays de Galles, qui deviendra son disciple et ami. Durant l’été 1932, en Angleterre, L.D. prend contact avec Georges Jeffreys et son mouvement « Elim ». C’est à son retour que L.D. publie D’aplomb sur la Parole de Dieu, petite étude de 54 pages très respectueuse du Pentecôtisme.
Comme il arrive souvent, ce n’est pas sur une pensée théologique, mais sur un usage pastoral, il est vrai important, que des oppositions surgissent, L.D. ayant acquis la conviction que, dans l’Eglise, il faut rétablir le baptême dans la plénitude de sa signification spirituelle et théologique, et dans sa pratique. Il préconise pour cela le baptême des catéchumènes (et des croyants), et la Présentation des enfants à la place du Baptême des bébés.
Il est désavoué par la Commission permanente (14 février 1935), puis par le synode national des Eglise réformées évangéliques (1935) qui rappellent aux pasteurs que le baptême des enfants est obligatoire. L.D. offre alors sa démission, que le conseil presbytéral de Charmes refuse. L.D. est désormais pasteur en sursis à Charmes pendant quinze ans. On s’accorde en effet à penser qu’une décision définitive quant à la question du Baptême appartiendra à l’Eglise réformée en voie de réunification. Mais la guerre de 1939-1945 provoque de nouveau délais. Et quand elle se termine, la Commission théologique de l’ERF sur le Baptême, dont L.D. fait partie, prend acte, sur la demande de Pierre Maury, de l’opposition de Karl Barth au Baptême des petits enfants.
C’est ainsi qu’on en vient au Synode du Chambon (1951), où L.D. présente un rapport. L’ERF décide d’admettre le Baptême des catéchumènes et la Présentation des enfants parallèlement à la pratique traditionnelle du Baptême des bébés. Les pasteurs opposés au Baptême des petits enfants sont autorisés, sur leur demande, par le Synode National à pratiquer des Baptêmes de catéchumènes et des Présentations d’enfants. L.D. voit ainsi exaucée sa double conviction qu’il ne doit en aucun cas se séparer de l’ERF, et que le Réveil, grand ou petit, ne doit plus aboutir à de nouvelles scissions.
De 1933 à 1939, L.D. publiait avec le pasteur belge de Pâturages, Henri de Worm, qui en est l’éditeur, une revue mensuelle, Esprit & Vie, qui rend compte des recherches, des études et des expériences spirituelles du « Réveil ». La pensée théologique de L.D. s’y exprimait librement. Il était aussi l’un des responsables de ce qu’on a appelé, dans l’Ardèche, le « Réveil de l’Eyrieux », en s’y opposant constamment aux tendances schismatiques.
A la veille de la guerre et dans les débuts des années 40, une petite communauté résidente se forme sous la direction spirituelle de L.D. à Charmes. Elle permet la maturation de la formation de la future Union de prière. C’est un temps d’arrêt, tout au moins apparent, quant au Réveil. A la demande et en présence de Marc Boegner, L.D. fait à Saint-Laurent-du-Pape, le 20 octobre 1941, une étude décisive sur le Mystère de l’Eglise composée de Juifs et de Païens. Il a vraiment à cœur, durant ces années-là, de travailler et d’approfondir ce sujet si étroitement lié au Mystère d’Israël.
Il fonde en 1946, avec la petite communauté, le Cours secondaire privé « Issac Homel » - du nom du pasteur de Soyons roué à Tournon en 1683 – qui reçoit de la 6ème à la 3ème des externes et des internes. Pendant trente ans, le Cours accueille et forme plus de 700 garçons et filles.
Le 29 septembre 1946, L.D. institue l’ « Union de Prière de Charmes », « Communauté de l’espérance » aux structures légères, avec un Directoire de pasteurs qu’il préside. Ses membres s’engagent à vivre en paix avec l’ERF et, s’ils sont Réformés – c’est le plus grand nombre – à participer pleinement à la vie spirituelle paroissiale de leur Eglise. Quatre sujets de prière rassemblent les membres : 1) le Réveil des Eglises par la conversion des âmes ; 2) le salut du Peuple juif ; 3) l’unité visible du Corps du Christ ; 4) l’avènement de Jésus-Christ et la résurrection des morts.
Cette prière constitue la vie profonde de l’Union de prière avec plus visiblement, des réunions et des Retraites générales. L’Union de prière est reconnue par le Conseil National de l’ERF comme une communauté de celle-ci, par un « Protocole d’accord » (1972). L’Union de prière fait aussi partie du Département des Communautés de la Fédération Protestante de France.
L.D. soutient le Renouveau charismatique dès son apparition aux Etats-Unis et en France. Il fait venir David Duplessis à Charmes en 1968 pour une série de réunions destinées aux pasteurs, membres et amis de l’Union de prière, et à ceux qui sont intéressés. L.D. soutient également, avec l’ensemble des pasteur du Directoire, la Rencontre charismatique interconfessionnelle organisée et présidée par Thomas Roberts à Viviers en 1973, et à laquelle participe plusieurs dizaines des pasteurs de l’ERF.
L.D. est aussi favorable à une présence active de l’Union de prière aux efforts et aux rencontres œcuméniques. Ainsi, par exemple, l’envoi d’une délégation à Moscou en 1960, à l’invitation du Patriarcat de l’Eglise Orthodoxe russe, qui préluda aux relations de celui-ci avec l’ERF, et avec le Conseil Œcuménique des Eglises.
Pasteur de Charmes jusqu’à sa retraite en 1962, puis retiré dans la maison de Boissier à Charmes jusqu’à sa mort en 1976, L.D. consacre ses forces et sa pensée à la communauté de l’Union de prière qu’il a fondée, et au Cours Isaac Homel, son œuvre privilégiée. La mort de L.D. n’a pas ébranlé les convictions et la cohésion de l’Union de prière.
Bibliographie : La notice sur L.D. dans Les Protestants (Beauchesne, 1993) contient des inexactitudes corrigées ici. Une bibliographie quasi-complète pour les années 1922-1932 (mais sans les articles d’Esprit & Vie parus de 1933 à 19339) dans Hokhma n° 38 (1988) par David Bundy, avec une étude sur « L’émergence d’un théologien pentecôtisant : les écrits de Louis Dallière de 1922 à 1932 ». C’est un article documenté mais qui pentecôtise par trop la pensée de L.D. Sur celle-ci, voir F. Lovsky, Etudes Théologiques et Religieuses, 1978, n° 2.